Franchement, le management par la bonté est-il envisageable ?
Pouvons-nous « manager » de cette manière notre vie personnelle et professionnelle ?
Cependant la véritable question (celle que vous vous posez sans oser la formuler !) est celle-ci :
- « A notre époque, peut-on véritablement s’exprimer par de la gentillesse sans passer pour... un benêt ?! »
J’ai en effet remarqué que les personnes « vraiment gentilles » semblent assez bêtes* pour croire que les autres ne feront jamais preuve de méchanceté avec elles ; mais assez intelligentes pour ne pas avoir besoin d’utiliser la méchanceté comme moyen de reconnaissance.
* [ Pour ma part je suis, je le crains, « assez gentille » ! ;-) ]
Visiblement ces personnes ont confiance en elles et affichent une insolente sérénité. De toute évidence ces personnes ne semblent pas être atteintes par le stress ambiant. Sans conteste, ces personnes intriguent et sont souvent secrètement enviées.
Et si elles avaient raison ?! Tout simplement raison. Si le management par la bonté était enfin la solution ?!
Après tout, ce terme de « bonté » n’est pas l’apanage, la propriété privée ou le bien exclusif des communautés religieuses de tous bords …
La bonté est aussi laïque et publique. Notre devise « Liberté, égalité, fraternité »** n'est que la déclinaison française de la bonté.
** (Lien rajouté ultérieurement : le 13 novembre 2012...)
La gentillesse serait-elle payante ? Gagnante à tous les coups ?! Oui, j’en suis persuadée. Et je ne suis pas la seule à le croire.
Voici ce qu'a dit Evelyne Sevin, consultante dans un cabinet de chasseurs de têtes (cadres dirigeants) sur les colonnes du Figaro en septembre dernier.
« "Connaissez-vous le prince Michkine ? Eh bien, c'est un idiot parce qu'il est bon !" Tel est en substance ce que nous dit Dostoïevski à propos de la fausseté de nos jugements. Michkine est différent. Quoique malade, il place toute son énergie dans le souci d'autrui, dans la bonté. Puisque la société ne comprend pas cette démarche, on le relègue au rang d'imbécile. Une croyance ancienne hante les organisations : l'homme étant un loup pour l'homme, il lui est plus aisé de marquer son territoire, forme primitive de dominance, par une défense agressive. On entend souvent que l'entreprise, c'est la jungle. Cette doctrine de l'affirmation du fort face au faible, je la récuse et la considère comme contre-productive.
Il est commode pour un patron, et parfois confortable pour ses collaborateurs, d'affirmer son leadership par une attitude directive. Mais gare à la caricature mettant le groupe en situation d'inhibition, souvent par peur de perdre l'avantage. Dans cet esprit, certains psys en viennent à considérer qu'un manager doit accepter d'être perçu par son équipe comme un mauvais objet. En d'autres termes, tout salarié ressentira tôt ou tard une émotion désagréable face à l'autorité qu'il reçoit ou qu'il confère.
Mais si nous apprécions la quantité d'énergie gaspillée dans une telle relation, nous devons envisager, au nom de l'efficacité, une démarche radicalement différente. Ici pas de mièvrerie, plutôt un recadrage. Certes, les bureaux ne sont pas conçus pour la bonté, encore moins pour l'acte gratuit. Mais en nous imposant quelques règles simples, tout peut changer dans nos relations humaines.
Conjurons le cynisme
D'abord, rangeons Machiavel au placard et conjurons le cynisme. Cessons de dégoiser sur les autres ; sourions-nous quand nous nous croisons. À l'occasion, offrons un déjeuner informel à notre équipe. De temps en temps, apportons des petits cadeaux à partager, fleurs, chocolats, marques de sympathie. Ecoutons ce que chacun veut nous dire et, pour ce faire, interrompons notre occupation lorsqu'on nous parle. Sachons remercier, y compris par un petit mot écrit. Intéressons-nous aux hobbies de nos collaborateurs. Listons les marques de sympathie que nous avons reçues. Allégeons les tâches désagréables en les partageant. Ces petites attentions supposent une véritable pratique managériale. En Amérique du Nord, plusieurs consultants, Mari-Lyn Hudson ou Olivia McIvor, en modélisent déjà les outils.
Cette dernière préconise un programme d'amélioration axé sur douze points : authenticité, excellence, courage, responsabilité, juste attitude, confiance, amitié, intégrité, résilience, compassion, service, tolérance.
Il y a quelque temps, je vous disais que l'intelligence pouvait être perçue par le groupe comme une menace (Réussir, le 16 juin), donc comme facteur supplémentaire de stress. C'est cette culture de la tension qu'il faut revoir. Car la bienveillance n'est pas contestable, elle ouvre le champ de l'observation de l'autre et par là de l'innovation en équipe, bien plus féconde que la "violence des échanges en milieu tempéré" ».
Je reprendrai si vous le voulez bien tous ces points un par un, points avec lesquels je suis (presque)*** en accord parfait.
*** (C’est le mot tolérance qui ne me plait pas. Au mot « tolérance » qui sous-entend un certain mépris pour celui qui ne pense pas comme nous, je préfère « respect ». Respect des différences et des histoires de chacun, de ses convictions. Respect et pluralisme. Humanisme !)
L’humaniste ne serait-il pas cet homme bon ?
A bientôt.
Françoise Boulanger