Tranche de vie enfantine…
―Ou comment partir dans une direction donnée.―
2 ans, chez mes arrière-grands-parents...
Dimanche 4 janvier 2014
Un jour mon père est rentré à la maison avec un drôle d’objet dans sa sacoche… Commercial chez Citroën (le Garage Gigot à Saint-Paul-lès-Dax pour les dacquois qui se souviendraient de cet établissement…), papa ramenait souvent des publicités en rapport direct bien sûr avec les voitures qu’il vendait. Cette fois-ci il ne s’agissait pas d’une brochure élogieuse ou d’un magnifique porte-clef à l’effigie de la célèbre marque aux chevrons mais d’un véritable casse-tête en 3D : le « bonhomme Michelin », le Bibendum lui-même ! Que l’on devait entièrement démonter pour ensuite le reconstituer.
Je ne sais plus quel âge j’avais exactement, probablement dans les 12-13 ans. Toujours est-il que j’ai regardé avec grande envie1 mon père « jouer » avec l’objet en question.
1 (C’était la pleine période où chaque apparition d’un nouvel album d’Astérix et Obélix était un grand évènement dans la famille. Notre père avait le privilège de le lire en premier, tandis que chacun de notre fratrie attendait son tour avec impatience. Je me souviens d’ailleurs avec admiration que l’un de mes frères savait réciter par cœur des extraits entiers de toute la série et pouvait même situer avec précision l’emplacement de telle ou telle image…)
Au bout d’un moment, mon père ayant déclaré forfait faute de temps, j’ai voulu tenter ma chance et lui ai demandé la permission d’essayer à mon tour. Persuadé sans doute que l’enfant que j’étais, un peu « godiche »2 de réputation qui plus est, n’y parviendrait pas plus que lui, papa m’a alors lancé un défi : « Si tu y arrives, je te donne cinq francs. »…
2 (Petite fille très gentille et docile, j’étais très maladroite en effet, peut-être à cause de ma forte myopie ? Ou justement déjà la peur de mal faire, d’essuyer des reproches ? De surcroît j’étais aussi très « lente », d’après ma mère, que cela agaçait passablement… Maudite étiquette qui vous catalogue hélas à vie dans le clan des demeurés, quoi que vous fassiez de bien par la suite. Mais je vous rassure, paradoxalement, paraître quelque peu « crédule » une fois adulte peut parfois être bien utile : on se méfie bien moins des candides…)
Cinq nouveaux francs ?! Autrement dit 500 anciens francs ?! Ouah !!! Il faut vous dire que dans les années 60, le gaspillage étant un gros péché, un billet de 5 NF c’était quelque chose (une baguette de pain coûtait 44 ctmes en 1965 !)…
Stimulée par l’enjeu, je me suis lancée et à la surprise générale y suis parvenue ! (Il me faut avouer qu’ayant observé mon père, en petite futée, j’avais un temps d’avance, puisqu’il me semblait avoir repéré « où était la clef »…)
Papa a donc tenu sa promesse : très fière j’ai reçu mon fameux billet.
Hélas, ma mère me l’a immédiatement repris, me faisant ainsi comprendre qu’une enfant ne pouvait être récompensée de quoi que ce soit par de l’argent… Dommage mais de toute façon, culpabilisée d’avoir mieux réussi que mon père, je n’aurais jamais osé crier à l’injustice, étant donné que le dogme de « l’adulte a toujours raison » était encore la règle.
Le plus important finalement c’est que, depuis cette date, j’avais acquis une certitude qui ne m’a jamais quittée : je n’étais pas aussi bête que ce que les apparences pouvaient laisser croire !
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Il y a une autre particularité qui a indiscutablement marqué mon caractère et forgé ma personnalité, c’est que ma mère m’avait donné le prénom de sa meilleure amie devenue ensuite sa belle-sœur ; naturellement pour l’honorer… Ma « tante Françoise », que j’aimais beaucoup, était religieuse chez les Filles de la Charité. Peut-être est-ce l’explication qui fait que bien que je m’appelle Françoise, ma mère avait plutôt choisi pour moi un saint patron3, c'est-à-dire St François d’Assise, dont la fête est le 4 octobre, tant elle le « préférait » à tous les autres !
3 (Mon enfance a réellement été marquée par cette étrangeté. Je sais que ça pourra paraître ridicule aux yeux de certains, mais figurez-vous que je me sentais « en faute » dès que quelqu’un me souhaitait la sainte Françoise le 9 mars. Persuadée d’être en situation d’imposture si je ne rétablissais pas la vérité. Inutile de vous dire qu’aujourd’hui je suis au contraire ravie que l’on puisse éventuellement me fêter deux fois… Petit message malicieux destiné aux gentils amis de ma page Facebook pour l’an prochain ! D’autant qu’il serait dommage de « déclasser » sainte Françoise Romaine dont la vie a été tout aussi généreuse que celle de son confrère...)
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Et puis, depuis mon plus jeune âge, j’avais des lunettes ! Sans doute cela a-t-il contribué au fait que je ne me sentais pas très jolie et donc pas très sûre de moi. Ma grand-mère maternelle me disant souvent qu’à la naissance j’étais très moche… Une tête en pain de sucre à ce qu’il parait. Entendre cela toute sa jeunesse, ça finit par convaincre4, je vous assure. Jusqu’à ce jour mémorable où, montrant un beau portrait de moi -sans lunettes bien entendu- fait par mon fiancé, cette gentille grand-mère en a remis une couche me disant avec grand sérieux que « j’étais mieux en photo qu’en vrai » !
4 (Vous voyez qu’une orientation de vie peut parfois tenir à quelques choix de notre propre famille. Qui sait quelles souffrances j’ai pu à mon tour générer chez mes enfants par mes paroles maladroites ?!)
Peut-être allez-vous vous étonner de ces précisions très personnelles, ressemblant presque à un règlement de compte. Cela n’en est pas un. Bien au contraire, je remercie ici publiquement ma mère de ne jamais m’avoir flattée en quoi que ce soit.
Car c’est grâce à elle que je me suis plongée avec délice dans la lecture et ai pu découvrir quantité d’auteurs qui m’ont beaucoup appris et qui m’ont encouragée à progresser, à me rendre aimable.
Il m’a toujours paru que j’avais un régime à part, une conduite à tenir, à transmettre, une mission toute tracée. Celle du « service aux autres » avant tout. Obligatoirement comme le saint François d’Assises que m’avait désigné ma mère.
Mais ce sont mes lectures qui m’ont donné cette inclination irrépressible à vouloir résoudre le moindre des problèmes rencontrés... La passion de l’innovation, c’est mon virus ! C’est quelquefois très fatigant. Pour moi et… pour les autres aussi, je le sais bien.
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A bientôt !
Françoise Boulanger
Ancienne petite fille encore parfois bien godiche !